Carnets de bord

Le fort de Knoxigor avait été construit à la hâte, et les ouvriers travaillaient désormais à son amélioration progressive. La Confrérie Perdue s’était isolée dans le gouffre du Condor, loin du tumulte et des rumeurs, loin du monde et des autres.
Rag Bylansi avait repris l’entrainement avec les Glamour, et passait ses nuits avec les Sweet Swamp Girls. Les natives lui avaient appris comment supporter ses nuits agitées, comment apprivoiser les fantômes de son passé.
Raya, la matriarche, les avait tous réunis sous une tente.
Là, les amazones et leur coach avaient fumé le calumet. Longtemps.
Encore plus que ça.
Finalement, Raya eut un geste brusque, d’avant en arrière, ses bras ballants. La matriarche entama des psalmodies incompréhensibles aux oreilles de Bylansi. Mais visiblement, les amazones la comprenaient. Toutes entamèrent  une litanie, balançant leurs bras vers le sol, et les remontant au-dessus d’elles. La psalmodie s’intensifia, et l’esprit du coach se déconnecta de la réalité, si tant est que cela était encore possible.
Raya ouvrit les yeux, des yeux blancs comme le lait.
-Toi, dit-elle en désignant Rag Bylansi. Toi, spectre parmi les vivants, vivant parmi les morts.
-Elle te cherche. Elle s’accroche à ton âme et ne saura trouver le repos sans toi. Qui es-tu, Rag Bylansi ? Qui est-elle ? Raya transpirait à grosses gouttes, faisant de visibles efforts pour endurer ses visions.
-Elle est là. Elle a toujours été là. Elle veut t’avertir d’un grand danger.
Rag Bylansi transpirait lui aussi, et finit par lâcher le calumet, le tendant à sa voisine. La fumée qu’il exhalait s’évaporait en volutes fantasques, simulacres de spectres aux doigts crochus.

Loin de là, très loin, très très loin, Abra Movitch conversait bruyamment dans son bureau.
-Quoi, qu’irai-je faire en Lustrie, sérieusement ?
Non, le plus simple serait sans doute de nous concentrer sur le championnat impérial. Ici, à Altdorf.
Ses conseillers semblaient muets, sauf un, qui l’apostropha.
-Mais, les équipes envoyées, votre coach, Belo Ruci ?
Les yeux d’Abra Movitch étincelèrent.
-Les coaches, c’est comme les puces sur un clébard. Y a qu’à secouer pour en avoir plein sous la main. Bylansi n’a remporté aucun titre depuis les Feverish Weepers. Il se vautre avec ses amazones et autres folles de naggaroth. Je ne crois pas que je pourrais en tirer grand-chose d’autre.
Alors agissons tant qu’il est temps…

merci de suivre les modalités de nomination des sujets rag. t'es le punk du forum... mais après on comprend plus rien... merci encore rag

Le temps s’était écoulé lentement, en Lustrie. Il en était de même pour le fort de Knoxigor, à peine achevé. Les infrastructures étaient vétustes, de bric et de broc, sans l’apport financier d’Abra Movitch. La confrérie Perdue n’avait jamais aussi bien porté son nom, à l’image de son coach. Rag Bylansi avait pris ses distances avec le monde, et retrouvé ses sensations au contact de ses joueurs et de ses fidèles. Les Glamour Looters lui avaient rendu hommage en effectuant une saison exceptionnelle, jonchée d’audace et de réussite. Chaque match avait failli basculer d’un côté ou de l’autre pour finalement revenir aux protégés de Bylansi au coup de sifflet final. Une demi-finale stressante, rugueuse contre les joueurs de Morr avait failli les stopper net. Les Looters avaient fait preuve de caractère, en allant prendre la balle dans les mains des morts vivants pour arracher la victoire en sous nombre. L’adversité, il l’avait prise à bras le corps pour accéder à la finale tant espérée.  
Ce soir-là, les joueurs s’entrainèrent plus tard qu’à l’accoutumée. Bylansi leur avait imposé les conditions humides de la saison des pluies pour les préparer au match contre les nains. Rien de tel qu’un sol boueux pour appréhender l’affrontement à venir.
-Je t’ai dans la ligne de mire, Rag Bylansi. Plus qu’à appuyer sur la détente, et nous quitterons cette région maudite en même temps que toi. Le skaven babillait tout en serrant contre lui son fusil à malepierre. Près de lui, Gregor Stanov transpirait à grosses gouttes. Il leur avait fallu des mois pour atteindre leur cible, et le moment était enfin venu d’en finir. Ce pays de malheur lui avait coûté un nombre conséquent d’hommes. Que ce soit les maladies ou les attaques de skinks, la Lustrie ne lui manquerait pas sitôt leur mission achevée. Ses yeux fiévreux observaient le terrain d’entrainement des Looters au milieu duquel trônait leur cible. –Surtout ne le rate pas, Zeik.
Le skaven lécha ses babines, et retint sa respiration. Maintenant, il était temps d’en finir. L’homme rat ajusta Rag Bylansi, attendit, attendit… -Mais quel est ce grésillement, à la fin, finit-il par lâcher, excédé, en abaissant son arme. Tout autant surpris, Stanov regarda autour de lui avant de palper ses poches, et d’en sortir une boule de Cabalvision. Posant délicatement l’artefact près de lui, il ne tarda pas à y discerner le visage d’Abra Movitch. Celui-ci arborait une mine sombre, visible malgré les grésillements. –Avez-vous accompli votre mission, Stanov, demanda t’il sans ambage ?
-Non seigneur Movitch, mais vous venez à point nommé. Sir Bylansi sera mort dans…
-Stoppez tout.
L’ordre résonna douloureusement dans la tête du kislevite.
-Seigneur Movitch. Nous sommes à peine arrivés. Nous avons voyagé durant des mois, souffert le martyre pour trouver…
-J’ai dit : stoppez tout. Il est hors de propos de tuer le coach d’une équipe qui va jouer une finale. Me suis-je bien fait comprendre ? Gregor Stanov blêmit. Posant sa main sur l’épaule du sniper, il l’interrompit, et soupira. –On a un contre ordre, Zeik.
Vautré dans son fauteuil, là-bas, à Altdorf, Abra Movitch laissa l’orbe s’éteindre. Rag Bylansi avait décidé de lui pourrir la vie, et il avait fini par s’en faire une raison.
-vas-y, joue donc ta finale. Tu risques plus gros que tu n’imagines si d’aventure tes joueurs défaillaient.